L’édito de Larry Perlade, fondateur & CEO de NÉVA
La DSI est à l’œuvre pour stabiliser les changements induits par la transformation numérique. La refonte du back, middle et front office pour proposer un système d’information orienté client est à peu près sur les rails. Reste à peaufiner les détails pour que cette refonte soit totalement opérationnelle.
Cette transformation n’était cependant qu’une première étape, une sorte de mise à niveau du SI pour maintenir l’entreprise dans la course concurrentielle. Ce palier à peine franchi, une seconde étape se profile, bien plus ardue et complexe à traiter.
Avec l’offensive de l’IA, l’explosion de l’IoT, les solutions à base de blockchain, et sous peu de l’informatique quantique, le maintien dans le jeu concurrentiel exigera de la DSI un renfort opérationnel pour soutenir les différentes fonctions dans leurs mutations et quête de performance.
Les deeptech pour accompagner la DSI
Pour obtenir un avantage concurrentiel, les pistes à explorer se font plus rares. Après la réduction des coûts, l’optimisation de l’expérience client, entre autres, cet avantage repose sur la possibilité de mettre sur le marché des solutions de rupture. Dans ce cadre, la deeptech est une piste à explorer. Pour mémoire, parmi les éléments qui caractérisent cette branche de la technologie, on peut citer :
- son lien avec le monde de la recherche ;
- sa capacité à lever des verrous technologiques ;
- sa capacité à déboucher sur un avantage compétitif ;
- son go-to-market relativement long, autrement dit ses efforts de R&D de moyen terme.
Autant de caractéristiques discriminantes pour des technologies de rupture susceptibles d’apporter une solution inédite face à un problème donné. À cet égard, les problèmes à résoudre par la DSI se multiplient. Il suffit de regarder la faible maturité des entreprises, par exemple dans le domaine du traitement des données, pour se convaincre qu’il reste du chemin à parcourir.
Que ce soit sur l’expérience client, les démarches data-driven, l’exploitation des datalakes, les chiffres des différentes études convergent pour montrer la faible maturité des entreprises sur ces sujets, donc in fine de leurs systèmes d’information. Nous pourrions aussi évoquer la blockchain, la réalité virtuelle ou augmentée, l’internet des objets, l’automation, parmi les sujets à explorer par la DSI pour apporter de la compétitivité à l’entreprise.
Pour pallier ce déficit de maturité sur les sujets de rupture, la DSI se doit de trouver des solutions, mais surtout des compétences susceptibles de développer des solutions inédites pour répondre aux enjeux de recherche et de développement de l’entreprise dans son ensemble.
Dans ce cadre, les doctorants et les jeunes docteurs restent un vivier sous-exploité, tout comme sont sous-exploitées les passerelles entre le monde académique et l’entreprise.
Utiliser les dispositifs existants
De nombreuses aides ont été mises en place en France. Dotés d’une partie des 57 milliards débloqués depuis 2017 par l’État pour les « programmes d’investissement d’avenir », les dispositifs incitatifs au recrutement d’un doctorant ou d’un jeune docteur sont nombreux : CIFRE, CIR, SATT, etc. En renfort BPI France accélère elle aussi ses efforts vers les deeptech. A ce jour 150 millions d’euros sont ainsi disponibles pour soutenir des projets liés à la recherche de ces technologies de rupture.
Pour l’entreprise, le bénéfice à recruter des jeunes docteurs est spectaculaire. Le Crédit d’Impôt Recherche (CIR) permet en effet à l’entreprise qui les recrute, et pendant les deux ans qui suivent leur recrutement, de récupérer 120 % de leur salaire de la part de l’État. À condition toutefois que ce soit le premier CDI du jeune docteur depuis la date de soutenance de sa thèse, et que l’effectif de l’entreprise dédié à la R&D n’ait pas été revu à la baisse d’une année sur l’autre.
Un autre dispositif intéressant à considérer est la thèse CIFRE (Convention Industrielle de Formation par la Recherche), créée pour soutenir la recherche partenariale entre les entreprises privées et les laboratoires publics de recherche. Si l’entreprise et le candidat respectent les conditions d’éligibilité, l’ANRT (Association Nationale de la Recherche et de la Technologie) signe un contrat avec l’entreprise innovante et finance celle-ci pendant 3 ans à hauteur de 14.000 euros par an. Le financement de l’ANRT est compatible avec le CIR. A cet avantage financier s’ajoute un avantage scientifique : le docteur garantit des métriques de R&D formels, qui permettent à l’entreprise de sécuriser son CIR. Une fois diplômé, le doctorant désormais Jeune Docteur peut faire bénéficier son entreprise du CIR, dans les conditions décrites précédemment.
Après la lowtech, la deeptech va créer de nouvelles ruptures
Le premier bénéfice que l’entreprise va retirer de la deeptech, c’est celui d’une compétence forte sur des sujets encore émergents. Que ce soit l’IA, l’Iot, la blockchain, le traitement de la donnée sous toutes ses formes, nous sommes passés d’une approche low-tech à une conception deeptech.
Autre bénéfice induit, en internalisant tout ou partie de sa recherche, l’entreprise garde la mémoire du projet et en maîtrise tous les aspects. En externalisant auprès d’une ESN, la propriété intellectuelle et la documentation risque de rester entre les mains du sous-traitant avec les conséquences que cela implique. L’internalisation évite aussi le trop fréquent turn-over de intervenants externes.
Après la rupture des modèles économiques sous l’impulsion de la transformation numérique, c’est bien de nouveaux horizons technologiques qui s’ouvrent à l’entreprise. Par définition, les doctorants et les jeunes docteurs sont à la pointe de leurs sujets. Et ils peuvent y consacrer l’essentiel de leur potentiel, apportant souvent un regard nouveau, plus créatif, plus imaginatif, et sans doute moins formaté que celui d’un ingénieur.
Certes, ces doctorants ou jeunes docteurs sont nombreux à se poser la question de partir à l’étranger, États-Unis ou Angleterre, pour bénéficier de meilleures conditions de rémunération et d’un environnement professionnel plus stimulant. Charge aux entreprises françaises de convaincre les jeunes docteurs de les rejoindre en leur ouvrant la perspective de passerelles et de coopérations public/privé plus structurées, plus faciles et plus épanouissantes.
Pour les DSI, s’adjoindre les compétences d’un ou plusieurs PhD relève d’un enjeu critique pour imaginer de nouveaux modèles d’organisation. Des solutions de rupture sont nécessaires pour affronter l’avenir. La DSI doit être prête pour la deuxième vague de la transformation. Les compétences doctorales seront précieuses, peut-être vitales, pour accompagner les DSI et l’entreprise.